Reprendre une entreprise à la barre

Voici 3 erreurs ou pièges à éviter si vous souhaitez vivement reprendre une entreprise à la barre du Tribunal de Commerce, et ce quelque soit le type de reprise, à savoir une offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession ou un rachat des titres suivi d'un plan de continuation :

1) Croire au mythe de la reprise à la barre pour l'euro symbolique sans contreparties, imaginer qu'il est possible de reprendre sans apport

Certes, les clés du succès d'une reprise d'entreprise en difficulté seront votre expérience, votre travail, votre créativité, votre talent à remobiliser les salariés, votre capacité à convaincre les partenaires, etc... Certes, l'argent ne fait pas tout, mais prenez néanmoins en compte cinq points cruciaux :

  • La concurrence des autres repreneurs : vous n'êtes pas tout seul à vous intéresser à la reprise d'entreprise en difficulté. Statistiquement, deux tiers des reprises à la barre seraient le fruit de procédure lors de laquelle ne se présenterait qu'un seul candidat. Cette statistique cache néanmoins le côté dissuasif dès lors que le dirigeant ou le mandataire indiquent aux autres candidats qu'un acteur sérieux est déjà sur les rangs. Sur les cibles intéressantes, il n'est pas exclu que vous vous trouviez face à quelques concurrents, peut-être plus motivés que vous, aux poches peut-être un peu plus profondes que vous. La reprise d'entreprises en difficulté attirent beaucoup d'entrepreneurs qui se rêvent dans le costume du "chevalier blanc"...
  • La difficulté du Tribunal de Commerce à faire confiance à un "challenger" dont le projet est uniquement basé sur la motivation et l'expertise : la hantise du Tribunal de Commerce, dans son délibéré lors du choix du repreneur, est de revoir le dossier en cessation des paiements plusieurs mois ou quelques années après (cela arrive, en réalité, fréquemment). C'est la raison pour laquelle le Tribunal aura toujours tendance à confier l'affaire à un repreneur solide financièrement, capable d'encaisser les aléas et les mauvais coups à venir.
  • Le niveau de l'offre sur la partie "paiement comptant" fait aussi partie des critères de sélection parmi toutes les offres déposées : certes le Tribunal privilégiera avant tout la sauvegarde des emplois comme premier critère de sélection, certes c'est le projet qui compte et l'adhésion des salariés à ce nouveau projet, mais sans argent à proposer pour solder une partie du passif, il sera difficile au Tribunal de Commerce de justifier son choix et de vous confier le sort de l'affaire en faillite.
  • Le financement du BFR pour faire repartir une affaire et atteindre la rentabilité : la croyance collective selon laquelle une reprise à la barre peut s'effectuer à l'euro symbolique est un doux rêve qui ne conduit, dans la plupart des cas, qu'à des échecs. Ce qui ne vous est pas raconté par les vendeurs de belles histoires, c'est que le redressement d'une entreprise en difficulté exige très souvent des investissements afin que l'exploitation puisse retrouver l'équilibre financier ou la rentabilité, que les reprises à l'euro symbolique sont aussi synonyme de la reprise de beaucoup de dettes, que le remboursement de ces dettes viendra plomber votre capacité à ré-investir une partie de l'EBE dans l'entreprise. N'en déplaise aux charlatans du "distressed M&A" et du "restructuring", l'énergie et le talent du repreneur à la barre ne suffisent pas : on ne sauve pas une entreprise avec un euro.
  • La quasi-impossibilité de recourir à de la dette : le délai accordé pour le dépôt des offres est très contraint, il est en général inférieur à deux mois. La reprise à la barre s'apparent donc à un véritable sprint. Vous n'aurez pas le temps d'aller chercher des fonds pour financer votre reprise auprès d'un organisme bancaire, ces délais étant incompatibles avec le temps de traitement d'une demande de prêt chez une banque classique. Sans compter qu'aucun partenaire financier ne vous suivra si vous ne risquez pas, vous-même, votre propre argent. A noter enfin, d'ailleurs, qu'une fois la reprise effectuée, qu'une une fois aux commandes de l'entreprise à redresser, aucune banque ne vous ouvrira facilement ses portes avant les premiers signes de rétablissement tangibles. Restent les financements alternatifs : aides, fonds de capital-retournement, business-angels, family-offices, autre société du secteur de la cible et qui pourrait trouver des synergies et un intérêt à participer à un projet de reprise.

2) Négliger sa due diligence

Lorsque vous contactez un administrateur judiciaire pour obtenir les détails du dossier dont le plan de cession a été annoncé, même si vous "montrez patte blanche", ne vous attendez pas à un dossier construit où tout vous sera expliqué dans les moindres détails. Si les raisons de la chute de l'entreprise jusqu'à sa cessation de paiement étaient évidentes, des solutions auraient peut-être été trouvées par le dirigeant lui-même. Dans les faits et dans la plupart des cas, vous n'aurez à votre disposition pour le bien de votre étude de la cible que des informations parcellaires, approximatives et incomplètes.

Malgré le peu d'informations auxquels vous aurez accès :

  • Assurez-vous de comprendre les raisons de sa situation financière difficile, en distinguant les causes internes et les causes externes.
  • N'oubliez pas d'évaluez le marché sur lequel évolue la société en difficulté, il est parfois trop tard de redresser l'entreprise pour des raisons exogènes à l'entreprise elle-même.
  • Examinez attentivement les comptes de l'entreprise en difficulté pour tenter d'en comprendre la valeur des actifs, le BFR nécessaire à la relance, les coupes budgétaires qui peuvent être faites, les dettes réelles et celles qui méritent en priorité d'être renégociées.
  • N'oubliez pas d'étudier la réputation de l'entreprise, il est aussi parfois trop tard ou trop cher pour redresser un déficit de réputation.
  • Une fois votre première phase de due diligence effectuée, si vous restez intéressé ou que vous confirmez un début d'intérêt pour la cible, tentez à tout prix de rencontrer le cédant et l'administrateur judiciaire pour obtenir des informations sur la situation réelle de l'entreprise.
  • Investissez enfin dans la consultation d'un expert financier ou d'une avocat spécialisé afin d'approcher une valeur d'achat appropriée.

3) Ne pas engager d'avocat spécialisé en droit des procédures collectives

Les procédures collectives en France sont soumises à des lois et réglementations spécifiques, il est donc essentiel de travailler en étroite collaboration avec des professionnels juridiques aguerris aux procédures collectives. Un avocat spécialisé vous aidera à naviguer dans le processus légal, un tel accompagnement est une condition sine qua non pour réussir dans le projet d'une reprise à la barre.

Le joker qui peut tout changer : associer un ou plusieurs salariés à votre projet de reprise

Ce pourrait être votre joker pour remporter l'affaire : associer à votre projet de reprise des salariés déjà présents dans l'entreprise cible. C'est un challenge extrêmement difficile que d'approcher des salariés clés d'une entreprise en difficulté pour leur faire part de votre projet de vous porter candidat à la reprise. Mais si vous apportez un savoir-faire ou une compétence clé qui manquait à la cible, il n'est pas exclu que vous provoquiez alors l'adhésion à votre projet. Or, cet adhésion peut s'avérer un argument de poids dans la décision finale du Tribunal de Commerce quant à la désignation du repreneur.

Recherche

Secteur, nom (de l'entreprise), SIREN, code postal ou ville.

Reprendre une entreprise à la barre