L'offre de reprise en plan de cession
Définition
La reprise en plan de cession est l'un des deux types de reprise à la barre, l'autre type de reprise à la barre étant la reprise d'entreprise avec plan de continuation, également appelée « reprise par voie interne ».
L'offre de reprise dans le cadre d'un plan de cession est la proposition formelle présentée par un tiers au Tribunal de Commerce pour acquérir tout ou partie des actifs, des contrats et des salariés de l'entreprise en difficulté, pour un prix déterminé sans reprise des dettes.
Le plan de cession intervient dans le contexte d'une procédure de redressement judiciaire, lorsque l'administrateur judiciaire juge que l’entreprise ne peut se restructurer par ses propres moyens, que la cession (totale ou partielle) de l'activité est la meilleure solution pour apurer tout ou partie du passif, maintenir une continuité de l'activité et une partie de l'emploi.
L'accès à la data room du dossier
Une fois l'appel d’offres à la reprise (le plus souvent anonymisé) publié par l’administrateur judiciaire, les candidats à l'étude du dossier doivent manifester leur intérêt, en direct ou via leur conseil, puis signer un certain nombre de documents (NDA, etc...) avant de pouvoir accéder aux éléments du dossier via une data room électronique sécurisée.
L'administrateur judiciaire se doit de respecter un principe d'égalité de traitement des candidats repreneurs quant à l'accès à l'information. Il est donc assez difficile d'obtenir des informations en direct auprès du management de la société débitrice, ce dernier étant généralement incité par l'administrateur judiciaire à renvoyer les repreneurs potentiels vers la data room commune à tous les candidats.
Le dépôt des offres initiales
En cas de confirmation de son intérêt après l'étude des documents en data room, le candidat repreneur doit alors déposer son offre dans les temps, à savoir avant la date limite de dépôt des offres (DLDO) précisé dans l'appel d'offres à la reprise. L'offre doit suivre un certain formalisme et plus précisément le cahier des charges remis par l'administrateur (document systématiquement accessible en data room du dossier).
La rédaction de l'offre
La rédaction de l'offre doit prendre en compte toute une série d'attentes de la part des organes de la procédure :
- Trouver le bon compromis, "viser juste" vis-à-vis des objectifs théoriques d'un plan de cession, tels qu'inscrits dans la loi de sauvegarde des entreprises (C. com., art. L. 642-1) : le maintien de l'activité, la sauvegarde de l'emploi et l'apurement du passif. Le maintien de l'équilibre entre ces trois objectifs sera analysé par le tribunal et l'orientera dans sa prise de décision. Ce ne sera donc pas forcément le plus offrant en termes de prix qui gagnera (le prix ne permettant que de répondre à l'objectif d'apurement du passif).
- Le contexte dans lequel se situe l'entreprise : son bassin d'emploi, par exemple.
- L'obligation de présenter un certain nombre d'éléments : la présentation de la société candidate à la reprise, la présentation de son dirigeant, ses derniers bilans comptables et liasses fiscales, les motivations derrière le projet de reprise, les synergies entre la cible et le candidat repreneur, un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie sur 3 ans, le périmètre de l'offre, à savoir les actifs corporels et incorporels repris, la reprise ou non des baux commerciaux, la reprise des stocks, la liste des effectifs / postes repris (liste par type de poste, anonymisée).
Le sort des salariés
Contrairement à la reprise d’entreprise ou de fonds de commerce dans le régime de droit commun où le repreneur ne peut s'opposer à reprendre l'intégralité des postes, le pollicitant, dans le cadre de son offre de reprise en plan de cession, reste libre de définir les postes concernés par son offre de reprise et ceux qu'il ne souhaite pas reprendre. Le coût des licenciements pour motif économique des salariés non repris est à la charge de la procédure collective.
Le maintien des emplois et la capacité présumée du repreneur à les pérenniser est un critère déterminant dans le choix du repreneur par le Tribunal de Commerce. Les offres de reprise à la barre étant mises en concurrence, les candidats à la reprise ont toujours intérêt à privilégier cet aspect dans la construction de leur offre, afin d'être désigné comme repreneur final. L'offre financière destinée à renflouer une partie du passif n'est pas à négliger, mais elle est à sous-pondérer par rapport à l'importance du volet social, selon les professionnels du restructuring (banquiers d'affaires spécialisés en distressed M&A, avocats spécialisés, professionnels du retournement).
L'offre doit préciser la liste des effectifs repris par type de poste, étant précisé que les listes de postes sont anonymisés. Lorsque l'offre sélectionnée par le tribunal de commerce ne reprend pas tout les salariés au sein d'un même type de poste, c'est en fonction de critères d'ordre que certaines personnes seront conservées et d'autres non.
Le prix de cession
Le prix de cession doit être renseigné en précisant la ventilation de ce prix entre les types d'actifs repris (incorporels, corporels etc...). La construction du prix doit absolument prendre en compte les charges augmentatives du prix, c'est-à-dire tout ce que le repreneur va devoir débourser afin de relancer l'activité (BFR, etc...).
Le sort des contrats en cours
Le candidat à un appel d'offre à la reprise en plan de cession est libre de définir dans son offre les contrats qu'il souhaite ou non poursuivre. L'administrateur en charge du dossier aura alors la responsabilité de résilier pour le compte de la cible (l'entreprise sous procédure collective dont l'activité est cédée) les contrats qui ne seront pas repris par le repreneur désigné par le Tribunal de Commerce.
Le transmission des offres au Tribunal de Commerce
Une fois les offres reçues par l'administrateur judiciaire, ce dernier les transmet au Tribunal de Commerce.
La consultation des offres au Tribunal de Commerce
Chacun est libre de consulter les offres déposées, en se rendant au tribunal de commerce, muni d'une pièce d'identité.
Le délai d'amélioration des offres
Une fois l'offre déposée dans les temps, le candidat repreneur ne peut plus la retirer, l'offre est engageante jusqu'à sa date de validité (date décidée par le candidat repreneur et qui doit impérativement figurer dans l'offre). Le pollicitant ne peut, à son option, que l'améliorer, et ce jusqu’à 48h avant l’audience de présentation des offres au tribunal de commerce. A noter néanmoins qu'une offre déposée peut présenter certaines conditions suspensives, ce qui est souvent une façon pour le repreneur de se protéger quelque peu, le temps d'affiner son étude du dossier. Généralement, l'administrateur envoie un courrier au candidat avec certaines questions sur l'offre et quelques demandes de précision. Un RDV ou une conférence à distance est aussi généralement prévu à l'initiative de l'administrateur, entre ce dernier, le candidat ou son conseil, et les dirigeants de la société débitrice. Afin de stimuler la concurrrence entre les pollicitants et inciter à l'amélioration des offres, l'administrateur judiciaire est sensé remettre à chaque candidat repreneur un tableau comparatif des offres.
L'audience d’examen des offres au Tribunal de Commerce
48 heures avant l'audience d’examen des offres au Tribunal de Commerce, les offres sont définitivement figées, plus aucun candidat n'est autorisé à améliorer son offre. En revanche, il leur est encore possible de la défendre et de l'expliquer lors de l'audience lors de laquelle le porteur de l'offre ou son Conseil sont tenus d'assister. Vient ensuite le jugement, qui statue définitivement quelle est l’offre retenue.
La décision du Tribunal de Commerce et la Date d'Effet
Le jugement statue définitivement quelle est l’offre retenue. Le transfert de responsabilité et de propriété au bénéfice du repreneur choisi est effectif dès le lendemain du délibéré (la Date d'Effet), même si l'acte de cession de fonds est en réalité signé ultérieurement. La période intermédiaire, entre le délibéré et la signature des actes de cession, est considérée comme une période de location-gérance (sans loyer), où le locataire-gérant est le candidat repreneur qui a été retenu par le tribunal de commerce.
Type de cession
Concrètement, une fois le jugement du plan de cession arrêté, est rédigé un contrat de cession de fonds de commerce ou un contrat de cession d'actifs.
Les avantages d'une reprise en plan de cession
- Des prix de transaction attractifs ;
- La reprise d'une activité délestée de son passif ;
- La taille de l'effectif mis en conformité avec le volume d'affaires et/ou les prévisions que l'on en fait ;
- En période de tension sur le recrutement, ce type de reprise permet d'accéder à des effectifs opérationnels ("acqui-hiring").
Les inconvénients d'une reprise en plan de cession
- Un calendrier très serré ;
- Un niveau d'information souvent très partiel sur la cible que l'on tente de reprendre ;
- Des salariés parfois épuisés ou éprouvés par la crise qu'ils viennent de traverser jusqu'à la procédure collective et pendant la période d'observation ;
- Malheureusement parfois un niveau de démobilisation des salariés, du fait de la période d'incertitude qu'ils traversent ;
- Un niveau de formalisme important dans le dépôt de l'offre, qui oblige le candidat repreneur à être entouré d'un ou plusieurs conseils ;
- La mise en concurrence avec d'autres candidats repreneurs ;
- La complexité à mobiliser des financement extérieurs pour ce type d'opération ;
- Une reprise sans garantie ni recours possible.